#Humournoir #IA #Dystopie
Marc-Uwe Kling, QualityLand
éditions Actes Sud, 2021
QualityLand, écrit par l'auteur allemand Marc-Uwe Kling, offre une plongée captivante dans un monde dystopique qui fait écho aux univers sinistres d'Orwell et de la série télévisée Black Mirror. À travers une satire acerbe, Kling explore les conséquences inquiétantes d'une société hyperconnectée et guidée par l'intelligence artificielle, où la quête du bonheur et de la perfection semble se transformer en une tyrannie de l'efficacité.
Tout d'abord, le roman évoque inévitablement les avertissements orwelliens sur la surveillance et le contrôle. Dans QualityLand, l'omniprésence de l'IA permet aux grandes entreprises et à l'État d'accéder aux moindres détails de la vie des citoyens, transformant ainsi chaque individu en une cible de marketing constant et en un simple numéro dans un système de classement social. Cet aspect rappelle le concept de "Grande Fraternité" dans 1984, où la vie privée et la liberté personnelle sont sacrifiées au nom de la soi-disant sécurité et du bonheur collectif.
Le roman établit également des parallèles frappants avec la série Black Mirror, qui explore les côtés sombres de la technologie et de la société moderne. QualityLand présente une vision dérangeante de la dépendance des êtres humains à l'IA et à la technologie, avec des algorithmes qui prennent des décisions à leur place. Ce scénario rappelle les épisodes de Black Mirror tels que "Nosedive", où la société est obsédée par les évaluations sociales et "Hang the DJ", qui examine les implications de l'utilisation de l'IA pour trouver l'âme sœur. Dans QualityLand, les individus sont réduits à des consommateurs prévisibles, perdant leur identité et leur libre arbitre dans le processus.
Une autre facette intrigante du roman réside dans son humour noir et sa capacité à nous faire rire tout en suscitant des réflexions profondes. Kling utilise l'absurde et le grotesque pour critiquer les dérives de notre société actuelle, où les désirs et les rêves des individus sont régis par les désirs préfabriqués de l'IA et des entreprises.
Cependant, malgré ses similitudes avec, entre autres, les œuvres d'Orwell et de Black Mirror, QualityLand parvient à se démarquer en proposant une approche plus satirique et humoristique de la dystopie. Si Orwell nous avertissait d'une autorité étatique écrasante, et que Black Mirror mettait l'accent sur les conséquences sombres des technologies émergentes, Kling met en lumière le pouvoir des mégacorporations et la nature auto-perpétuante de l'IA dans la société moderne.
En conclusion, QualityLand offre une critique saisissante de notre dépendance croissante à la technologie, de l'omniprésence de l'IA et des dérives d'une société hyperconnectée. En faisant écho aux avertissements d'Orwell et aux réflexions troublantes de Black Mirror, le roman de Marc-Uwe Kling nous incite à réfléchir sur les conséquences de nos choix technologiques et à nous interroger sur le véritable sens du bonheur et de la liberté dans un monde où les machines gouvernent nos vies. Une lecture à la fois divertissante et troublante pour les amateurs de dystopie et de récits sociétaux éclairants.
Paul Brunel
#Essai #Sens #Cerveau
Sébastien Bohler, Où est le sens ?
éditions Robert Laffont, 2020
Doté d'une très sérieuse formation scientifique, axée en particulier sur le fonctionnement du cerveau et les neurosciences, Sébastien Bohler aborde ici une vaste et éternelle question : Où est le sens ?
Appuyé sur de solides arguments scientifiques, études et références à l'appui, il analyse l'évolution de la perception du sens chez l'être humain, de son arrivée sur terre à aujourd'hui. Les rituels profanes ou sacrés, la sociabilisation, la confiance en ses semblables et en la stabilité de l'environnement, l'arrivée de la consommation de masse et de la mondialisation... Autant de paramètres passés au crible de façon rigoureuse, sans pour autant tomber dans le langage du spécialiste pouvant rendre la lecture indigeste.
Un seul terme scientifique est omniprésent, c'est le cortex cingulaire. Cette partie du cerveau en recherche permanente de cohérence, d'ordre et donc de sens, serait bien mis à mal depuis quelques temps, induisant chez l'être humain un stress permanent. Que ce soit de petites incohérences dans la vie de tous les jours, des ordres contraires donnés en permanence ou encore des changements trop fréquents ou trop rapides dans notre environnement, c'est toujours ce fameux cortex cingulaire qui s'active dans notre cerveau. Le salut pourrait finalement bien être de retrouver des valeurs et des objectifs communs à toutes et tous comme, par exemple, la préservation des espèces vivantes et de la planète...
Paul Brunel
#Mozart #Histoire
Isabelle Duquesnoy, La redoutable veuve Mozart
éditions de La Martinière, 2019
L'adage est connu : derrière chaque grand homme, il y a une femme. Derrière Wolfgang Amadeus Mozart, il y a Constanze (1762-1842). Une chanteuse au talent plutôt modeste, une femme aux ambitions démesurées, qui s'est entièrement dévouée au génie puis à la gloire de son illustre mari. Chez elle, l'argent que Mozart ne parvient pas à gagner de son vivant, est une obsession mortifère. Mort ruiné, fauché dans sa trente-cinquième année, enterré avec les indigents, autant de blessures que la veuve Mozart tente de cicatriser durant plus de cinquante années. Pour commencer, elle exhibe leur fils cadet qu'elle rebaptise « Wolfgang Mozart II » dans toutes les cours d'Europe. L'expérience est épouvantable : n'est pas un jeune prodige de la musique qui veut. Constanze travaille sans relâche pour que la musique de son génie de mari bénéficie, enfin, d'une gloire éternelle. Elle agit en femme d'affaires redoutable : elle fait achever certaines partitions, dont le fameux Requiem, qu'elle vend à prix d'or.
Elle écrit une biographie qu'elle publie en 1828. A Salzbourg, ville où Mozart naît en 1756, elle supervise patiemment l'érection d'une statue monumentale et œuvre à l'ouverture du Mozarteum en 1841.
Depuis vingt ans, Isabelle Duquesnoy étudie Constanze Mozart, un caractère trempé, volontariste et romanesque. Un récit enlevé, passionné où l'on découvre une veuve assurément « redoutable ».
Cécile Berly